Une pierre un peu spéciale
Cette pierre de 80 cm sur 40, on la croyait perdue depuis 1890, date de la démolition de la belle tour romane et d'une partie de l'église, quand, en 1930, par un heureux hasard, Monsieur le Doyen Fréson la retrouva dans la cour du patronage. Aujourd'hui, elle se trouve dans la cour du presbytère, maçonnée dans le mur.
Elle porte la mention suivante:
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CONCORDIA MINUTAE DECIMAE
1656 XA FERBY ROMAE
SUB FORMA BREVIS
ALEX A.M. 1670
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La traduction n'en est pas n'en est pas aisée. Le curé Doudlet (1848 - 1882) en a donné une interprétation : concession de la petite dîme.
Monsieur le Doyen Freson en donnera une autre, beaucoup plus complète, que nous rappellerons ci-après.
Une chose est certaine : cette pierre concrétise un accord au sujet de la dîme.
mais qu'était la dîme? (en wallon, li déme - en latin, décima pars, c-a-d la dizième partie) - c'était une redevance due par toute propriété rurale, enclavée dans la paroisse, quel qu'en soit le possesseur.
Véritable impôts foncier, elle frappait non seulement la terre mais aussi les produits de celle-ci tels les céréales et les fruits, le croît du bétail, la laine des moutons et la cire des ruchers.
La grosse dîme s'appliquait aux céréales et au bétail, tandis que la petite dîme frappait fruits et légumes.
La perception de cet impôts avait pour but initial de satisfaire aux besoins matériels du clergé paroissial.
Initialement, cette redevance était due en vertu d'un droit coutumier; elle deviendra obligatoire dès l'époque carolingienne, les capitulaires et les canons la codifieront, mais insensiblement, du clergé paroissial, elle passera aux institutions religieuses et aux grands Chapitres, s'écartant ainsi de son but initial.
En 1215, en effet, Jean d'Eppes, Abbé de Notre Dame aux Fonts incorpore dans la dotation des Chanoines de St Materne, les revenus des biens de la cure de Villers et autorise de choisir parmi eux le "vesti" qui n'exercerai pas personnellement les fonctions pastorales mais déléguerait la cure à "un desservant" moyennant abandon à celui-ci de "la portion congrue".
En 1227, le Prince Evêque Hugues de Pierpont assurait aux mêmes chanoines la dîme novale sur les parties des 80 bonniers de terres nouvellement mises en culture à Villers.
C'est ainsi que, dès le 13eme siècle, les chanoines de St Materne déjà possesseurs de 85 Ha de terres et de la ferme, deviennent les seuls possesseurs des dîmes de Villers.
Ce bénéfice impliquait, pour le décimateur, certaines obligations comme l'entretien de l'église et du mur du cimetière, l'entretien de la cloche décimale, l'entretien de certains tronçons de route et l'abandon au curé de la portion congrue.
Mais les décimateurs ont toujours fait preuve de mauvaise volonté quant à l'accomplissement de leurs obligations. Si l'abandon au curé de sa portion congrue semble avoir été respectée - à charge toutefois pour ce dernier d'administrer gratuitement les sacrements et d'assurer l'instruction des enfants pauvres - il n'en a pas été de même pour l'entretien de l'église et du mur du cimetière.
Jusqu'à la révolution de 1792, la communauté villersoise sera en conflit avec les chanoines de St Materne.
La pierre, mentionnée plus haut, rappelle un de ces nombreux conflits.
Le 7 juillet 1609, le Chapitre de St Materne introduit devant la cour de Justice de Villers, une enquête au sujet de la dîme de Villers et de ses limites
La communauté villersoise n'est pas d'accord car malgré la perception de l'impôt, les chanoines laissent l'église à l'abandon. Un très long et très coûteux procès s'engage: il ira jusqu'à la Cour de Rome. Un accord sera signé le 14 novembre 1656, cet "accordement" sera ratifié en février 1670 par le pape Alexandre VII. Nos ancêtres ont jugé le fait suffisamment important que pour le graver dans la pierre. Telle est l'interprétation de Monsieur Freson.